<56>Du grand destructeur de Numance,
Et digne d'un saint mort puceau.
Oui, par certaine Épître encoreb
J'ai mérité de l'ellébore
Pour avoir, dans tous tes portraits,
Follement barbouillé tes traits.
Je t'y traitai de Turc à More,
Sachant qu'aucun mortel n'ignore
Que les poëtes sont menteurs;
Comme on ne daigne pas nous croire,
J'ai cru, pour établir ta gloire,
Que je devais charger tes mœurs.
Enfin, Darget, sur ton histoire
Nul ne consultera mes vers;
Ils n'iront point à la mémoire,
Ils seront rongés par les vers.
Je veux que leur recueil stérile,
Enfant de mon oisiveté,
Périsse dans l'obscurité,
Loin des yeux d'un mordant Zoïle.
Tout auteur plein de vanité,
Qui tend à l'immortalité,
Doit, narrant avec pureté,
Avoir l'art de plaire ou d'instruire.
Moi, qui n'ai point ces grands talents,
J'abandonne ces vastes champs
Aux versificateurs habiles
Qui remplacent de notre temps
Les Horaces et les Virgiles.
D'eux redoute les coups de dents,
Et non de ma muse badine,
Qui folâtre, qui te lutine,
Qui, sans consulter le bon sens,
Débite ce qu'elle imagine,
En vers mauvais, mais non méchants.
b Épître à Darget, t. X, p. 238-247.