<63>De ces triomphes vains mon cœur n'est plus tenté;
Je plains l'aveuglement profane
Dont la sombre fureur émane
De cet héroïsme entêté.
Ces champs si fortunés où règne l'opulence,
Qui, réchauffés des feux de l'astre des saisons,
Produisent de riches moissons,
Ces champs qu'habitent l'innocence,
La candeur et la tempérance,
Si la guerre venait répandre sa fureur,
Seraient changés soudain en théâtre d'horreur.
La terre abondante et fertile
Présenterait un champ stérile,
Et l'on verrait, dans ces climats,
Les épis moissonnés par d'avides soldats,
Les arbres renversés, les maisons abattues,
Et les violateurs, répandus dans les rues,
Porter partout le fer, la flamme et le trépas.
Ces charmants lieux, témoins des danses ingénues
Dont Julie et Chloé célèbrent leurs plaisirs,
De leur rustique amour expriment les désirs,
Entendraient mille cris élevés jusqu'aux nues,
Capables de nous attendrir,
Des victimes de la patrie,
Que Mars, exerçant sa furie,
Inhumainement fait périr.
Loin de voir ces ébats qui nous donnent la vie,
Un spectacle effrayant viendrait partout offrir
Ceux à qui le fer l'a ravie.
Malheur à l'inhumain qui sentit le premier
De trop d'ambition son âme surmontée,