<81>De sa fausse amitié te rende la victime :
Que tu déclamerais alors contre le crime,
Contre la fausseté qui prête à l'ennemi
Les couleurs, les dehors qu'a le sincère ami!
Ah! que tu maudirais ces vaines accolades,
Et ces convulsions de fausses embrassades,
Ces compliments menteurs, ces protestations,
Des sentiments du cœur froides allusions!
Crains d'un perfide ami la douceur affectée :
Dans ses déguisements, c'est un autre Protée,
Sa peau d'agneau te cache un dangereux lion,
Il change de couleurs comme un caméléon.
A quoi connaîtras-tu le motif qui l'inspire,
S'il t'aime, s'il te hait, s'il trame, s'il conspire?
Nous devinons au moins à l'air des animaux
S'ils sont amis de l'homme, ou bien méchants et faux :
Le paisible mouton en bêlant broute l'herbe,
Le lion rugissant paraît fier et superbe,
Le sanglier farouche écume de fureur,
Le lièvre doit surtout sa vitesse à la peur,
Le tigre au regard faux est sanguinaire et traître,
Le chien, qui nous caresse, est fidèle à son maître.
Mais nous, qu'un même auteur doua des mêmes traits,
Nous n'avons dans nos yeux ni vertus ni forfaits,
Un démon peut avoir le corps parfait d'un ange;
A juger des dehors notre esprit prend le change.
Dans ce doute cruel, méfiant, incertain,
Tu te défierais donc de tout le genre humain?
Dans ton humeur chagrine, à bon droit misanthrope,
Fuyant la compagnie et détestant l'Europe,
Et voyant sous tes pas des abîmes ouverts,
Tu trouverais ici l'image des enfers?
Eh quoi! si tu vivais chez des anthropophages,
Pourrais-tu redouter de plus cruels outrages?
Non, tout est confondu dans la société,
Tout périt, en un mot, sans la sincérité.
Comme on voit de joueurs la compagnie inique