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LE SERIN ET LE MOINEAU, FABLE.

On se fait des grandeurs une très-fausse idée,
Les estime le plus qui les connaît le moins;
Telle âme, de leur soif se trouvant possédée,
Perd, pour les acquérir, et son temps et ses soins.
Dans tous les états de la vie
On trouve du haut et du bas;
Un tel, dont le bonheur inspire de l'envie,
Se plaint de ce qu'il ne l'a pas.
Écoutez sur ceci le conseil charitable
Qu'osent vous indiquer les oiseaux de ma fable.

Un jour, dans un grand bourg, certain moineau banal,
Des plus galants moineaux redoutable rival,
Le plus estimé chez les belles,
Galant, joli, coquet un brin,
Volait de ses rapides ailes
A l'entour d'un château flanqué de deux tourelles,
Palais du seigneur suzerain.
Il aperçoit au fond d'une gentille cage,
Juché dessus son bois, un merveilleux serin,
Qui le charma par son ramage.
« Hélas! se disait-il, du peuple des oiseaux,
<107>Au beau serin échut le meilleur apanage :
A l'abri des saisons, à l'abri de l'outrage,
Logé comme un seigneur, il ignore mes maux;
Tandis que, mouillé par l'orage,
Je grelotte sur des roseaux,
Il vit en très-grand personnage,
Il se mire dans des trumeaux,
Son bon maître l'aime à la rage,
Il le nourrit de sucre ou d'excellent biscuit.
Tandis qu'en ce maudit village
A coups de feu l'on me poursuit,
Que j'erre comme un misérable,
De cent caresses on l'accable.
Sort cruel, où m'as-tu réduit?
Que ne suis-je né son semblable! »
Notre gentil serin, quoique sans truchement,
Comprit maître moineau, je ne sais trop comment.
Un serin du bel air, qui vit dans le grand monde,
Fût-il même tant soit peu sot,
Doit deviner à demi-mot
Les autres oiseaux de la ronde.
Il répondit au gros moineau,
Dans son dialecte d'oiseau :
« Ami, ta cervelle est timbrée,
Tu parle avec esprit, mais tu raisonnes mal.
Ma cage richement dorée
Te rend en secret mon rival;
Ah! dans la plus superbe cage,
Ces fers et ma captivité
Me font sentir le poids d'un pénible esclavage.
Que m'importe la vanité?
Sois satisfait de ton partage :
Point de bonheur sans liberté. »