AU MARQUIS D'ARGENS.
Marquis, quel changement! moi, chétif, moi, profane,
Qui fréquente peu le saint lieu;
Moi, sans toque et brevet dont la faveur émane
Du sacré serviteur des serviteurs de Dieu,
Qui m'anathématise et me damne;
Moi, dont l'attachement au culte naturel
Ne reconnut jamais que la pure doctrine
Empreinte dans nos cœurs par une main divine,
Ne servit ni Baal, ni le Dieu d'Israël;
Moi, que l'adversité nourrit à son école,
Qu'à Vienne un frauduleux écrit
A dépeint errant et proscrit;
Moi, que plus d'un ministre, en son cerveau frivole,
Plus d'un cafard tondu, décoré d'une étole,
Sur le vague récit d'un téméraire bruit
Avait cru de longtemps détruit :
Par un coup imprévu l'inconstante Fortune,
Qui me sacrifia pour plaire à mes rivaux,
Contre eux a tourné sa rancune,
Et me relève sur les flots;
Et cet homme bénit, ce dévot personnage,
Qui dévore son Dieu cinquante fois par an,
Qui, pour triompher de Satan,
De Vienne à Kloster-Zell trotte en pèlerinage,