SUR LA LECTURE DU SALOMONa DE VOLTAIRE.
Eh bien, j'ai vu dans Salomon
Que l'enchantement de ce monde,
La gloire, l'intérêt, l'amour, l'ambition,
Le charme séducteur où mon bonheur se fonde,
Qu'enfin tout est illusion.
Si l'homme est malheureux, c'est par réflexion;
Dans son égarement, par pitié, qu'on le laisse.
Quand Salomon sur moi s'affaisse,
Quoique sans doute il ait raison,
Il me remplit de sa tristesse;
Il exagère encor le destin qui m'oppresse;
Cet impitoyable docteur,
Même en la réveillant, irrite ma douleur.
Non, son hypocondre sagesse
Ne vaut point l'agréable ivresse
Où me plonge une douce erreur;
Et si la vérité n'est faite pour personne,
S'il faut être trompé, qu'ainsi le ciel l'ordonne,
J'aime mieux, puisqu'il faut choisir,
(Que Salomon me le pardonne)
Ne l'être que par le plaisir.
(Janvier 1760.)
a Précis de l'Ecclésiaste, dédié au roi de Prusse. 1759. Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XII, p. 200-224. Voyez t. X, p. 55-58.