<154>Folle d'orgueil, et qui se pâmait d'aise
Lorsque l'espoir de titres éclatants
Enflait son cœur tout pétri de fadaise.
Couchée un jour mollement sur sa chaise,
Soit vanité, soit par amusement,
Elle voulut se donner un amant,
Quoique son cœur, selon la voix publique,
Fût réputé dans les pays flamands
Pour des plus froids, pour flegmatique.
Donc il avint que l'Amour qu'elle fit,
Très-ressemblant à sa mère, naquit
Plein d'intérêt, le cœur paralytique,
Digne par là, si l'on y réfléchit,
De devenir un jour grand politique.
Ce gros Amour néanmoins prétendit
De devenir le concurrent pudique
De Cupidon, nommé le Cythérique.
Voici comment notre balourd s'y prit :
Il jeta l'œil sur un honnête Suisse :
Il se flatta, sans trop se fatiguer,
Qu'il pourrait bien au gré de son caprice
Prendre d'assaut ce cœur encor novice.
Il le fallait de fort loin subjuguer;
Il ne pouvait présenter à sa vue
De deux tetons les gentils boutonneaux,
Toujours flottants, tantôt bas, tantôt hauts,
Sur le satin d'une gorge charnue.
Il recourt donc alors très-à propos
A ce bel art qui, peignant nos idées,
Les fait passer par des mains affidées
Aux doux amants, ou bergers, ou héros.
La lettre vient, on la lit; que d'alarmes!
Elle disait en style gracieux :
« J'ai des trésors, ce sont là de vrais charmes;
Çà, que l'on m'aime, et qu'on rende les armes. »
Huit fois par mois ces aimables poulets
Venaient d'Utrecht à Freyberg par exprès,