<197>Ce sont ces attributs que l'univers adore,
N'est-ce pas sa bonté que tout mortel implore?
Tels sont les traits frappants qu'il grava dans nos cœurs.
Un être malfaisant, objet de nos terreurs,
Ne peut être le Dieu que des anthropophages;
L'unique auteur du bien reçoit l'encens des sages.
Venons au nœud gordien où gît tout l'embarras;
Pope en le maniant ne le dénoua pas.
Comment, me direz-vous, un Dieu si débonnaire
De maux accumulés accabla-t-il la terre?
Quel est l'auteur du mal? Je ne vous réponds rien :
Le mal peut-il venir de l'auteur de tout bien?
De ce sujet abstrait les ténèbres sublimes,
Effrayant ma raison, découragent mes rimes;
Moi, qui chez saint Thomas n'ai point pris mes degrés,
Modeste adorateur des mystères sacrés,
Je crains d'être profane en touchant ce problème.
Passe pour votre roi des Henri le huitième,
Possesseur du savoir de nos loyaux aïeux,
Plein de la scolastique et d'auteurs ténébreux,
Qui versa sur Luther pour la gloire papale
Tous les flots érudits d'horreur théologale;
De son travail ingrat, dont Léon dix fit cas,
L'écrit au Vatican fut rongé par les rats.
Si cependant, Mitchell, vous désirez d'apprendre
Ce qu'ont dit des auteurs qu'on ne saurait entendre,
Sur leurs pas hasardeux osons nous essayer;
Mais, hélas! ces docteurs n'ont pu que bégayer.
Nous devrons convenir, ignorants que nous sommes,
Que l'Être tout-puissant ne devait rien aux hommes;
Rien n'ayant pu gêner son pouvoir absolu,
Il a pu les former selon qu'il a voulu.
L'éternel artisan, débrouillant la nature,
Ne fit point de contrat avec la créature,
Sans qu'elle y consentît, il lui donna le jour;
Nous fûmes condamnés à vivre en ce séjour
Pour qu'on versât sur nous de deux tonneaux célestes