DISCOURS DE CATON D'UTIQUE A SON FILS ET A SES AMIS, AVANT DE SE TUER.
Nos malheurs sont au comble; ô jour que je déteste!
De ta grandeur, ô Rome! il n'est rien qui te reste.
Ah! de tes demi-dieux les immortels travaux,
Le fruit de tes combats, le sang de tes héros,
Ce pouvoir tant accru par ta valeur féconde
Sur le débris des rois, sur l'empire du monde,
Le prix de ta vertu, celui de tes succès,
Vont d'un brigand heureux couronner les forfaits.
Un de tes propres fils, dénaturé, perfide,
Enfonce dans ton sein son glaive parricide;
Ce fer dont tu l'armas contre tes ennemis,
L'ambitieux César en perce tes amis.
Il dévoue aux forfaits les vertus d'un grand homme;
S'il est héros en Gaule, il est tyran dans Rome.
Ce cruel destructeur de notre liberté,
Contre un sénat de rois citoyen révolté,
Bouleverse l'État, l'attaque, le déchire;
Tout tombe, tout périt, la république expire.
Et nous vivons encor! et nous sommes témoins
Des crimes que n'ont pu conjurer tous nos soins!