ALLÉGORIE.a
Deux voyageurs jeunes et curieux
De l'Orient parcouraient divers lieux.
On leur apprend qu'une grotte enchantée,
Depuis longtemps des peuples respectée,
Se trouvait là. Pleins d'admiration,
Ils vont la voir, mais sous condition;
Car mon lecteur saura qu'en la caverne
Nul curieux n'osait porter lanterne;
Sombre en était le ténébreux séjour,
Et l'enchanteur surtout craignait le jour;
Jamais lueur n'en éclaira l'interne.
S'il avenait que quelque impertinent
Osât léser cette règle absolue,
Aveugle était, d'abord perdait la vue.
On en faisait plus d'un conte étonnant,
Propre à tourner une tête innocente;
Car rien ne gagne aussi vite à l'instant
Que la terreur d'une sainte épouvante.
Nos étrangers vont, selon ce traité,
Sans éclairer leur démarche tremblante,
Dans l'antre sourd braver l'obscurité.
a Le Roi écrit au marquis d'Argent, dans sa lettre du 6 mars 1762 : « Je vous envoie un conte que j'ai fait; j'étais plein, en le composant, de la lecture de Bossuet et de ses impertinentes Variations, où toutes les rêveries mystiques de l'école sont expliquées. »