<3>L'arbitre des destins, de ses mains libérales,
Verse sur les mortels, de deux urnes égales,
Et les biens et les maux;
Et sa fécondité sur les champs répandue
Fait croître également la casse et la ciguë,
Le cèdre et les roseaux.
Ce mélange fâcheux d'infortune et de gloire
De l'archive du temps remplit la longue histoire
De cent revers cruels.
Une prospérité dont l'éclat se conserve
Se refuse à nos vœux; le destin la réserve
Pour les dieux immortels.
Dans nos jours désastreux, la guerre qui vous mine
Semble annoncer, Prussiens, la prochaine ruine
De vos vastes États;
L'Europe conjurée, à l'œil brûlant de rage,
Porte jusqu'en vos champs la flamme, le carnage,
L'horreur et le trépas.
Cette hydre, en redressant ses têtes enflammées,
Vomit des légions, enfante ces armées
Qui s'élancent sur vous;
En vain elle sentit de vos mains triomphantes
Les redoutables traits; ses têtes renaissantes
Bravent encor vos coups.
De ces fiers potentats l'espérance superbe
Désire que nos murs ensevelis sous l'herbe
Attestent notre deuil.
O guerriers généreux! abattez leurs trophées;
Leurs couleuvres dans peu sous vos pieds étouffées
Confondront leur orgueil.