<37>D'abord ce feu s'embrase en de lointains climats,
D'Europe en Amérique engage des combats;
La mer en est émue en ses grottes profondes,
Neptune au joug anglais voit asservir ses ondes;
L'Iroquois, qui devient le prix de ces forfaits,
Déteste les tyrans qui troublent ses forêts.
La Discorde aussitôt, contemplant son ouvrage,
S'applaudit des horreurs que produisit sa rage,
Rit des faibles mortels qui pour se déchirer
Traversent l'Océan, fait pour les séparer.
Dans ses brillants succès aussitôt elle aspire
A rendre universel le trouble et son empire;
Elle passe en Europe, elle s'adresse aux rois :
« Jusqu'à quand serez-vous esclaves de vos lois?
Est-ce à vous de plier sous l'aveugle caprice
De préjugés usés d'équité, de justice?
Il n'est de dieu que Mars, la force fait vos droits,
Dit-elle, et tout monarque est né pour les exploits. »
O fille des Césars! l'ambition ardente
Se ranime à ces mots dans ton âme flottante;
La probité, l'honneur, les traités, le devoir,
Trop fragiles liens pour borner ton pouvoir,
S'effacent de ton cœur; tes mains peu scrupuleuses
Dégagent de leur frein tes passions fougueuses.
Au Germain généreux, à ce peuple indompté,
Tu brûles de ravir sa noble liberté,
D'abaisser tes égaux, d'anéantir le schisme,
Et sur tant de débris fonder ton despotisme.
A d'aussi grands projets il faut de grands moyens :
Chez les plus puissants rois tu cherches des soutiens;
Tes conseillers experts, rompus aux artifices,
Par l'imposture et l'or ameutent tes complices;
Il n'est point de forfait, il n'est point d'attentat
Qu'on n'emploie à former ce fier triumvirat.
Ce complot monstrueux opprime en une année
De son terrible poids l'Europe consternée;
L'ami timide feint de craindre le danger,