<38>L'ami perfide à Vienne accourt pour s'engager.
Depuis le Roussillon jusqu'au climat sauvage
Où le Russe glacé croupit dans l'esclavage,
Tout s'arme pour l'Autriche, on marche sous ses lois,
On conjure ma perte, on foule aux pieds mes droits.
La fille des Césars dévorait sa conquête,
Présageait son triomphe, en préparait la fête,
Vivait dans l'avenir, et goûtait les douceurs
De recueillir les fruits de ses projets flatteurs.
Tel est le sort des grands dont la vertu commune,
Basse dans les revers, haute dans la fortune,
S'enivrant du poison de la prospérité,
Ne peut poser de terme à sa cupidité.
L'insolent intérêt, abusant du délire,
Nomme au triumvirat les rois qu'il doit proscrire,
Et ces tyrans ingrats, par le crime liés,
S'immolent sans remords leurs plus chers alliés.
O jour digne d'oubli! quelle atroce imprudence!
Thérèse, c'est l'Anglais que tu vends à la France,
Ton généreux soutien dans tes premiers malheurs,
Lui, qui résista seul au nombre d'oppresseurs
Dont l'espoir divisait ce puissant héritage
Que ton père en mourant te laissait en partage!
Tu règnes, mais lui seul a sauvé tes États;a
Les bienfaits chez les rois ne font que des ingrats.
Toi, monarque indolent que la pourpre embarrasse,
Ne te souvient-il plus qui délivra l'Alsace?
Mes regards indignés dans tes camps amollis
Ont vu flotter un aigle entre les fleurs de lis;
L'injure et le bienfait se perd de ta mémoire.b
Esclave d'une femme, est-il pour toi de gloire?
Ton trône et ton pouvoir sont le prix de l'amour,
Et Vienne a subjugué ta maîtresse et ta cour.
Pompadour, en vendant son amant au plus riche,
Rend la France en nos jours esclave de l'Autriche,
a Voyez t. II, p. 90; t. III, p. 6.
b Voyez t. III, p. 50-58, et p. 121 et suivantes.