<52>Je disais au matin, les yeux chargés de pleurs :
Le jour qui dans peu va renaître
M'annonce de nouveaux malheurs;
Je disais à la nuit : Ton ombre va paraître
Pour éterniser mes douleurs.
Lassé de voir toujours la scène injurieuse
D'un concours de calamités,
Des coupables mortels la rage audacieuse
Décharger contre moi leur haine furieuse
Et les traits dangereux de leurs iniquités,
J'espérais que du temps le tardif bénéfice
Ferait renaître enfin un destin plus propice;
Que les cieux longtemps obscurcis,
Livrés aux ténébreux ravages
Des aquilons et des orages,
Seraient à la fin éclaircis
Par l'astre lumineux qui, perçant les nuages,
De ses rayons brillants dorant les paysages,
Ramènerait des jours par ses feux radoucis.
Je me trompais, hélas! tout accroît mes soucis :
La mer mugit; l'éclair brillant dans la tempête,
Le tonnerre en éclats va fondre sur ma tête;
Environné d'écueils, couvert de mes débris,
A l'aspect des dangers qui partout me menacent,
Les cœurs des pilotes se glacent,
Ils cherchent, mais en vain, un port ou des abris.
Du bonheur de l'État la source s'est tarie,
La palme a disparu, les lauriers sont fanés;
Mon âme, de soupirs et de larmes nourrie,
De tant de pertes attendrie,
Pourra-t-elle survivre aux jours infortunés
Qui sont près d'éclairer la fin de ma patrie?
Devoirs jadis sacrés, désormais superflus!
Défenseur de l'État, mon bras ne peut donc plus
Venger son nom, venger sa gloire,
En perpétuant la mémoire
De nos ennemis confondus!