<53>Nos héros sont détruits, nos triomphes perdus;
Par le nombre, par la puissance
Accablés, à demi vaincus,
Nous perdons jusqu'à l'espérance
De relever jamais nos temples abattus.
Vous, de la liberté héros que je révère,
O mânes de Caton! ô mânes de Brutus!
C'est votre exemple qui m'éclaire
Parmi l'erreur et les abus;
C'est votre flambeau funéraire
Qui m'instruit du chemin, peu connu du vulgaire,
Qu'ont aux mortels tracé vos antiques vertus.
Tes simples citoyens, Rome, en des temps sublimes,
Étaient-ils donc plus magnanimes
Qu'en ce siècle les plus grands rois?
Il en est encore un qui, jaloux de ses droits,
Fermement résolu à vivre et mourir libre,
De lâches préjugés osant braver les lois,
Imite les vertus du Tibre.
Ah! pour qui doit ramper, abattu sans espoir,
Sous le tyrannique pouvoir
De nouveaux monstres politiques,
De triumvirs ingrats, superbes, despotiques,
Vivre devient un crime, et mourir un devoir.a
Le trépas, croyez-moi, n'a rien d'épouvantable;
Ce n'est pas ce squelette au regard effroyable,
Ce spectre redouté des timides humains;
C'est un asile favorable,
Qui d'un naufrage inévitable
Sauva les plus grands des Romains.
J'écarte ces romans et ces pompeux fantômes
Qu'engendra de ses flancs la superstition,
Et pour approfondir la nature des hommes,
Je ne m'adresse point à la dévotion.
a Voltaire dit dans Mérope, acte II, scène 7 :
Quand on a tout perdu, quand on n'a plus d'espoir,
La vie est un opprobre, et la mort un devoir.