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ÉPITRE A PHYLLIS. FAITE POUR L'USAGE D'UN SUISSE.

Un certain dieu qu'on adore à Cythère
M'avait, Phyllis, engagé sous vos lois;
Je soupirais, je me flattais de plaire,
Et mon bonheur passait celui des rois,
Lorsqu'un démon au regard sanguinaire,
Démon cruel qui sème le trépas,
Au sein affreux des fureurs de la guerre
M'entraîna loin de vos divins appas.
Hélas! Phyllis, quelle est la différence
Du sort heureux et de la jouissance
Qu'un tendre amour m'offrait entre vos bras,
Au sort affreux qu'à présent votre absence
Me fait trouver ici dans la licence
D'un camp où Mars remplit tout de fracas!
Je vois ici la brillante Victoire
Mener gaîment dans l'horreur des combats
Cent jeunes fous, que Mars de ces climats
S'en va dans peu plonger dans la nuit noire.
Hélas! Phyllis, tout ce peuple d'ingrats
Au tendre amour a préféré la gloire.
Que vois-je encor? De rapides repas,
Remplis d'ennui, sans qu'un mot d'allégresse