<91>Lorsque j'étais enfin proscrit, infortuné,
De tout secours abandonné :
O vous, mon seul refuge! ô mon port, mon asile!
Votre amitié calmait ma douleur indocile,
J'oubliais dans vos bras mes oppresseurs altiers,
Mon cœur dans votre sein épanchait ses complaintes;
Votre tendre pitié, partageant mes revers,
Dissipait par un mot mes mortelles atteintes,
Et, fort de vos vertus, je bravais l'univers.
A combien de dangers votre âme généreuse
S'exposa pour me secourir,
Moi, qui préférais de périr
A l'image trop douloureuse
Des maux que je craignais de vous faire souffrir!
Jamais on ne vit de modèle
D'une tendresse aussi fidèle
Que celle que vous m'accordez;
Si la vertu rend immortelle,
Ses lauriers vous sont destinés.
Qu'un cœur pétri de boue, âme vile et commune,
Fermée au sentiment, insensible à l'honneur,
Place le souverain bonheur
A posséder ces biens, jouets de la fortune,
Recherchés, poursuivis avec trop de chaleur,
Et dont la jouissance est toujours importune;
Pour qui possède votre cœur,
Espoir sur lequel je me fonde,
Le doit préférer, chère sœur,
A tous les trésors de ce monde.
Si ces ambitieux, ces superbes esprits
Qui trament ma ruine et poursuivent ma vie,
Pouvaient de ce grand cœur connaître tout le prix,
Mon trône cesserait d'attirer leur envie,
Ils ne combattraient plus, ils ne seraient jaloux
Que du bonheur que j'ai d'être chéri de vous.
Mais quel trouble soudain me coupe la parole?
Tandis qu'une image frivole