<115>Ah! je te vois, en me rebutant, rire
Qu'un vieux soudard, chargé du poids des ans,
Le front ridé, les cheveux blanchissants,
Se croie encor dans l'âge du délire,
Et d'Apollon veuille toucher la lyre.
Eh bien! sans toi, sans tes puissants secours,
Pour réveiller cette flamme divine,
Il suffira que ma muse mesquine
Se représente avec tous ses atours
La Knesebeck, ce vrai phénix des cours,
Et de nos temps la plus grande héroïne.
Oui, je la vois; son air est assuré,
Son front serein; son esprit ferme et calme,
Qu'aucun péril n'a jamais altéré,
Est toujours sûr de remporter la palme.
Telle autrefois, défendant les Latins,
Près de Turnus parut cette Camille,
Tant célébrée autrefois par Virgile,
Dont la valeur retarda les destins
Du bon Énée et des guerriers troyens.
Notre nymphe est plus belle et plus jolie,
Peut-être aux champs de Mars moins aguerrie,
Moins sanguinaire en livrant des combats,
Mais préférable en pudeur, en appas,
A ce qu'était la nymphe d'Italie.
Aurai-je assez de force en mes poumons
Pour vous chanter sans abaisser mes sons,
Sans verbiage, en rapporteur fidèle,
Ce qui rendit cette fille immortelle?
Non, ce n'est point l'adresse des coursiers
Qui triomphaient aux joutes olympiques,
Et dont Pindare en ses vers héroïques
Peint les héros couronnés de lauriers;
Mais ce seront des efforts de courage
Qu'Hercule aurait eu peine d'égaler :
Voir de la mort la redoutable image,
Et cependant agir sans s'ébranler.