<122>Si vos sens épuisés ne trouvent plus d'attraits
Dans le sein des plaisirs, au milieu de ces fêtes
Où vous entassiez conquêtes sur conquêtes,
Songez donc que Voltaire et même Richelieu
Ne vont plus à Paphos en invoquer le dieu.
Ce sérail si peuplé, ce séjour de délices
Devient à vos regards un gouffre de supplices.
Vous avez consumé ces feux dont le retour
De désirs renaissants attisait votre amour,
Et d'un corps languissant la vigueur affaiblie
Vous livre aux noirs soupçons, même à la jalousie.
De ces serpents cruels votre cœur est rongé;
Ah! cher comte, à ce point peut-on vous voir changé?
Qu'un Espagnol jaloux, possédé de colère,
Qu'un fier Napolitain, cruel et sanguinaire,
De leur amour trahi brûlent de se venger,
Ce n'est pas sur leurs pas qu'il faut vous engager.
La jeunesse a des droits, et peut au moins prétendre;
Mais qui ne jouit plus doit savoir condescendre.
La jalousie enfin doit-elle consumer
Un cœur que la nature a formé pour aimer?
Phyllis est inconstante, et Chloé trop volage :
De quoi vous plaignez-vous? et qu'importe, à votre âge,
Si l'amour à leurs pas enchaîne des amants?
Gardez-vous de troubler leurs doux embrassements;
Vous eûtes votre tour, que d'autres en jouissent;
Ces sentiments si vifs trop tôt s'évanouissent.
Quel roi pourrait lier par son autorité
Au vieillard décrépit la naissante beauté?
Ni l'amour ni les goûts ne sont point à commande,
Et chacun de son cœur fait librement l'offrande.
Mais, comte, examinez nos cheveux blanchissants,
Nos fronts cicatrisés et nos membres tremblants;
Qui pensera qu'encor ces détestables charmes
Puissent porter aux cœurs le trouble et les alarmes?
Oui, nos vœux doivent être à coup sûr rejetés.
Quittons plutôt un dieu, puisqu'il nous a quittés,