<32>Qui ne souffre aucun parallèle,
Vous demeurez enfin mortelle,
Comme nous sujette au malheur.
Il n'est, ma sœur, pour se défendre
Contre les caprices du sort.
Que de s'y préparer, de savoir les attendre,
De résister à leur effort.
Mais vous êtes frappée en un endroit sensible,
Votre amitié ressent un mal irrésistible;
O malheur! pour jamais il faut vous séparer
D'un cœur auquel le vôtre avait pu se livrer.
O jeune Hertefeld! l'éclat de votre aurore,
Qui dans mes sens glacés ranimait le plaisir,
N'a pu fléchir ni radoucir
La Mort, qui lentement vous mine et vous dévore;
Je vois son fer tranchant moissonner vos appas;
Tandis que vos amis, que Berlin vous honore,
Vous vous échappez de nos bras.
Les grâces, la beauté, nos soupirs et nos larmes
N'ont donc pu vous fournir des armes
Contre les assauts du trépas!
Telle une tendre fleur à peine encore éclose
Etale en nos jardins son coloris brillant;
Mais, rose, elle a le sort qu'éprouve toute rose,a
Elle se fane en un moment.
Des destins rigoureux l'arrêt irrévocable
Marqua les bornes de nos jours,
Et Némésis inexorable
Attend l'instant inévitable,
Pour qu'un coup de ciseau tranche à jamais leur cours.
O mortel aveuglé! mortel plein d'imprudence!
Trop ébloui du merveilleux,
Enivré du plaisir, privé de prévoyance,
Tu formes, insensé, de ridicules vœux.
Tu comptes de remplir un long amas d'années
Par des prospérités l'une à l'autre enchaînées;
a Voyez t. XII, p. 38.