<48>Il veut en vain nous cacher ses alarmes;
Jamais ne fut un plus fidèle amant.
Plutôt Nisus dans sa course fatale
Aurait trahi son fidèle Euryale;
Plutôt Orphée aurait vécu content,
Seul et toujours séparé d'Eurydice;
Ou Pénélope, absente encor d'Ulysse,
Aurait donné au premier poursuivant
Avec sa main son empire vacant,
Avant qu'on vît ton marquis, le modèle
D'un Céladon, d'un soupirant fidèle,
Quand l'ombre arrive et que le jour s'enfuit,
Passer sans toi la moitié d'une nuit.
Pour ton duvet, qui sent la pourriture,
Et tes vieux draps aussi crasseux qu'usés,
Et tes rideaux déchirés et percés,
Et tes coussins avec la couverture,
Ton bon patron quitterait, je l'assure,
Bibliothèque, amis, biens et parents,
Pour végéter entre tes draps puants.
Est-il chez nous un goût qui s'éternise?
En jouissant, bientôt l'amour s'épuise;
Dans quel pays vit-on des soupirants
Dont les beaux feux aient duré cinquante ans?
Quel Cupidon eut jamais barbe grise?
O lit! toi seul, et je m'en scandalise,
Tu sus fixer notre inconstant d'Argens.
Mais quel miracle! observe que le temps,
Qui détruit tout dans sa course rapide,
De tes faveurs l'a rendu plus avide :
Naguère au moins dans tes crasseux réduits
Il se bornait à se fourrer les nuits;
Mais à présent, moins sage et moins timide,
Plus acharné dans ses folles amours,
Tu le retiens et les nuits et les jours.
O vous, grands dieux qu'a célébrés ma verve!
Toi, dieu du Pinde, immortel Apollon,