<72>Ces vestales qu'encor je ne crois pas novices,
Qui, venant étaler leurs grâces, leurs appas,
Semblent briguer l'honneur de passer dans vos bras?
Ce sérail de beautés qui forment les spectacles
N'aiment que leur sultan, respectent ses oracles;
Sa volonté décide et marque leur devoir,
Il fixe leur destin en jetant son mouchoir.
Ce sultan, cher Hoditz, vous le devez connaître;
De ces lieux enchantés n'est-ce pas l'heureux maître,
Génie infatigable, inépuisable, égal,
Et qui, toujours nouveau, demeure original?
Ainsi vos jours heureux sans embarras s'écoulent,
Les Amours enfantins et les Plaisirs les moulent.
Lorsque dans vos jardins, vers la fin d'un beau soir,
La rivale du jour vient de son crêpe noir
Obscurcir les objets de la nature entière,
Vous parlez, et d'abord reparaît la lumière.
Tel Dieu créant ce monde, auquel il se complut,
Dit : Que le jour paraisse! et la lumière fut.
A Rosswalde aussitôt cent raquettes s'élancent,
Et remplissent les airs des feux qu'elles dispensent,
De leur gerbe brillante éclairent l'horizon,
Et semblent suppléer au char de Phaéthon.
Vos prestiges de l'art égalent la nature.
Mais ce jour fortuné penche vers sa clôture;
Pour le finir ainsi qu'il avait commencé,
Mon comte va choisir dans son peuple empressé
Un tendron de quinze ans. Grands dieux, qu'elle était belle!
Le fameux Phidias, l'élégant Praxitèle,
En elle auraient cru voir une divinité :
Si ce n'était Vénus, c'était la Volupté,
Les charmes enchanteurs, les Grâces l'ont pétrie.
Elle doit cette nuit lui tenir compagnie :
L'Amour, qui l'aperçoit, en rit malignement,
Ses rivales en feu s'en plaignent vivement.
Ah! qu'il est difficile, en un sérail de belles,
De contenter son goût sans causer des querelles!