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ÉPITRE A LA REINE DOUAIRIÈRE DE SUÈDE.a

Quoi donc, ô tendre sœur! l'amour de vos parents
Vous a fait affronter Neptune et les autans?
Les abîmes ouverts d'une mer orageuse
N'ont point épouvanté cette âme courageuse
Qui, vous faisant quitter le trône et vos États,
En comblant tous nos vœux vous remet en nos bras?
C'est en vain que le temps, l'éloignement, l'absence,
Ont sourdement miné votre austère constance;
Six lustres révolus n'ont donc pu réussir
A nous ôter, ma sœur, de votre souvenir.
Des droits sacrés du sang l'inviolable empreinte
De nœuds jadis formés resserre encor l'étreinte :
Qu'un aussi grand exemple éclaire les mortels!
Assez et trop longtemps auprès de ses autels
L'Amitié languissait isolée en son temple;
Dans nos jours dégradés il n'était point d'exemple
Que deux cœurs généreux, vrais et constants amis,
Sans un vil intérêt fussent toujours unis.
Le temple était désert, il menaçait ruine,
Quand pour le réparer paraît une héroïne.


a La reine de Suède, veuve du roi Adolphe-Frédéric depuis le 12 février 1771, arriva à Berlin le 3 décembre de la même année. Voyez t. IX, p. x, 206 et 207, et t. X, p. 167.