A LA REINE DE SUÈDE.
Non, ma sœur, les grandeurs, les couronnes, les mitres,
L'amas accumulé des plus superbes titres,
Ces symboles pompeux de notre vanité,
Ne sauraient cimenter notre félicité.
Du plus vil des humains aux têtes couronnées,
Tout mortel est soumis aux lois des destinées,
A souffrir, à se plaindre, à déplorer ses maux :
Les dehors sont divers, les états sont égaux.
Qu'importe donc quel rang décore ma misère?
Le bonheur n'est point fait pour ce triste hémisphère;
Sous la pourpre ou la bure obligé de souffrir,a
Il est égal des deux qui sert à me couvrir.
A trouver ce bonheur on consume sa vie,
Peu d'humains ont joui de sa superficie;
L'un, pensant le trouver en de vastes palais,
Quitte, en le poursuivant, ses paisibles forêts,
Et ses troupeaux féconds, son champ, son toit de chaume;
Il arrive, et soudain disparaît le fantôme.
Les grands, remplis d'espoir, d'orgueil, d'ambition,
Adorent du bonheur l'aimable fiction,
Et, pour le posséder, le l'ardeur la plus vive
Ils poursuivent en vain cette ombre fugitive;
Au lieu de la saisir, ô perfides destins!
a Voyez t. X, p. 58, et t. XII, p. 215.