A VOLTAIRE.
Combien Thieriota a d'esprit,
Depuis que le trépas en a fait un squelette!
Mais lorsqu'il végétait dans ce monde maudit,
Du Parnasse français composant la gazette,
Il n'eut ni gloire ni crédit.
Maintenant il paraît, par les vers qu'il écrit,
Un philosophe, un sage, autant qu'un grand poëte.
Aux bords de l'Achéron, où son destin le jette,
Il a trouvé tous les talents
Qu'une fatalité bizarre
Lui dénia toujours lorsqu'il en était temps,
Pour les lui prodiguer au fin fond du Ténare.
Enfin les trépassés et tous nos sots vivants
Pourront donc aspirer à briller comme à plaire,
S'ils sont assez adroits, avisés et prudents
De choisir pour leur secrétaire
Virgile, Orphée, ou mieux Voltaire.
a Nicolas-Claude Thieriot, qui avait été depuis 1736 l'agent littéraire du Roi, mourut à Paris le 23 novembre 1772. C'est sous son nom que Voltaire composa une pièce en vingt-six vers qu'il intercala dans sa lettre à Frédéric, du 22 décembre suivant. La réponse du Roi est du 3 janvier 1773. Voyez les Œuvres complètes de Voltaire, édit. de Kehl, 1785, t. LXVI, p. 71 et 72. Dans les Œuvres posthumes de Frédéric II. A Berlin, 1788, t. IX, p. 181-185, cette réponse du Roi est datée du 26 janvier 1773, et les dix-sept vers destinés à servir d'introduction à la lettre y sont omis.