ÉPITRE.a
Dans ce vaste univers, le globe où nous vivons
Lui sert, à mon avis, de Petites-Maisons;
De fous, d'extravagants la bizarre cohue
De Lisbonne à Pékin offre en grand à ma vue
Un pré de mille fleurs richement émaillé.
Sur cette ample pâture, un esprit éveillé
Saisit malignement la fleur du ridicule,
L'extrait et l'assaisonne au fond de sa cellule.
Un quaker me dira d'un air sombre et chagrin
Qu'il faut toujours couvrir les défauts du prochain;
Mais lorsqu'un fat abonde en traits de balourdise,
Loin d'en verser des pleurs, je ris de sa sottise.
J'aime à rire, il est vrai, même aux dépens des rois;
Je hais le misanthrope et les fronts trop sournois.
Je préfère à ce fou que l'on nomme Heraclite
Ce fou plus gai que lui, l'enjoué Démocrite;
Sans se fâcher de rien, il s'amusait de tout,
De nos frivolités il avait vu le bout.
Et qu'importe en effet qu'un esprit sot et louche
D'un flux de pauvretés jaillissant de sa bouche
M'étourdisse un moment, bavardant sans esprit?
a Dans la traduction allemande des Œuvres posthumes (Nouvelle édition. A Berlin. 1789. t. VII, p. 194), cette pièce est intitulée Der Schwätzer (Le Babillard).