<128>De m'occuper à procurer la vie,
En retirant des cachots du néant
De l'univers un futur habitant.
S'il se pouvait que celle que j'adore,
Mettant le comble à ma félicité,
De son beau sein quelque jour fît éclore
Ce rejeton de sa fécondité,
Cette action ajouterait encore
A ses vertus, qu'on ne peut trop priser,
En lui donnant, soit dit sans métaphore,
Le vrai moyen de s'immortaliser.
Le dieu d'hymen autorise ces gages;
Le bien de voir croître et multiplier
N'est point celui des cœurs durs et sauvages,
Des Iroquois ou des anthropophages;
Mais ce plaisir est fait pour s'allier
Avec les mœurs que professent les sages,
Et la vertu doit le justifier.
C'est pourquoi Mars, si fier et si terrible,
N'a jamais pu m'engager à sa cour;
Vous le savez, mon cœur tendre et sensible
S'était chez vous enrôlé sans retour
Sous vos drapeaux et sous ceux de l'Amour.
Ce dieu toujours m'a tenu lieu de père;
Dans son école, à Paphos, à Cythère,
Lui-même, un jour, il daigna m'informer :
« Apprends, dit-il, que c'est à l'art de plaire
A précéder l'art de se faire aimer. »
Ses doux travaux, exempts de violence,
Sont des soupirs ou des soins délicats,
De tendres vers dégagés d'embarras;
Ses armes sont l'égard, la complaisance,
Les sentiments d'amour et de constance.
Au lieu d'assauts, d'attaques, de combats,
Nos exploits sont des baisers tout de flamme,
Qui font couler la volupté dans l'âme,
Sans que jamais ils causent le trépas.