<160>M. de la Crochardière et M. Malosa sortaient d'un dîner où l'on n'avait pas épargné les frais du vin.
De leur chaude amitié je vis croître la flamme,
L'univers nous eût pris pour des amis parfaits;
Mais l'instant des adieux en détruisit la trame,
L'amitié disparut, sans causer de regrets,
Avec le jeu, le vin, et la table, et les mets.
Le jour d'après, monsieur le gouverneur de la ville et de la province, maréchal de France, chevalier des ordres du Roi,a etc., etc., etc.
Ce général toujours surpris,a
Qu'à regret le jeune Louis
Vit sans culotte, en Italie,
Courir pour dérober sa vie
Aux Germains, guerriers impolis,
ce général voulut savoir ce que c'était que ce comte Dufour, étranger qui, à peine arrivé, se mêlait d'assembler une compagnie de gens qu'il ne connaissait point. Il prit le pauvre comte pour un coupeur de bourse, et conseilla prudemment à M. de la Crochardière de n'en pas être la dupe. Ce fut malheureusement le bon maréchal qui la fut.
Il était né pour la surprise.
Ses cheveux blancs, sa barbe grise,
Formaient un sage extérieur.
Le dehors est souvent trompeur;
Qui juge par la reliure
D'un ouvrage et de son auteur
Dans une page de lecture
Peut reconnaître son erreur.
C'est ce que je pus voir, car il n'avait de sagesse qu'en ses cheveux gris et dans son air décrépit. Son premier abord le trahit; certainement c'est peu de chose que ce maréchal,
Qui, de sa grandeur enivré,
Décline son nom et ses titres,
Et son pouvoir à rien borné.
a Le duc de Broglie, surpris en 1734 par les Autrichiens aux bords de la Secchia. Voyez t. I, p. 193.