<191>Fendant les airs sur les ailes des vents,
S'en vint planer sur ces lieux florissants.
Avec plaisir elle vit la Pologne
La même encor qu'à la création,
Brute, stupide et sans instruction,
Staroste, juif, serf, palatin ivrogne,
Tous végétaux qui vivaient sans vergogne.
Je reconnais mon peuple à son esprit,
S'écria-t-elle, et sitôt le bénit.
Puis secouant vivement sa simarre,
Il s'en répand sur cette espèce ignare
Un gros brouillard tout chargé de vapeurs,
Rempli d'épais et de grossiers atomes,
Qui, les touchant de délire et d'erreurs,
Leur transmettaient leurs violents symptômes.
Jadis ainsi de la tour de Babel
Les fiers maçons, parlant toutes les langues,
N'entendant plus le jargon paternel,
Tout de travers expliquaient leurs harangues.
L'un disait blanc, quand l'autre disait noir;
L'un veut manger, on lui présente à boire;
Ils semblaient fous ou privés de mémoire,
Se chamaillant du matin jusqu'au soir.
Voilà comment les Polonais parurent
A cette diète où leurs clameurs élurent
Un autre roi. Mais comment s'y prit-on?
Tout député nommait un autre nom;
L'un voulait Paul, l'autre, Jean, l'autre, Pierre.
Enfin le trouble et la confusion
Auraient bientôt mis la Pologne entière
Dans le désordre et la subversion,
Si, vers le Nord, leur illustre voisine
N'eût par bonté prévenu leur ruine;
Et la Vistule avec plaisir alors
Vit arriver sur ses célèbres bords
De preux Russiens une illustre ambassade
Pour leur donner et bal, et sérénade.