<242>dois, pour qu'une diversion entreprise de leur part soulageât la Porte accablée par les armées russes; j'aurais même persuadé à l'Impératrice-Reine de seconder Mustapha, si mes ennemis ne m'avaient culbuté.
Struensée.Quel dommage que tant de beaux projets n'aient pas été exécutés!
Choiseul.Sans doute. J'aurais fait tant de bruit, j'aurais tant tracassé, que toute l'Europe n'eût parlé que de moi.
Socrate.Souviens-toi d'Érostrate, qui brûla le temple d'Éphèse pour avoir de la réputation.
Choiseul.C'était un incendiaire, et je fus un grand homme. Je jouais sur notre globe le rôle de la Providence; je réglais tout, sans que personne s'aperçût des moyens que j'employais; on voyait les coups, sans voir la main dont ils partaient.
Socrate.Insensé! oses-tu bien te comparer à la Providence, tes fourberies avec la toute-sagesse, tes crimes avec l'archétype de la vertu?
Choiseul.Oui, monsieur Socrate, je l'ose. Que votre tête pelée apprenne que les coups d'État ne sont pas des crimes, et que tout ce qui donne de la gloire est grand. Souvenez-vous que vos Grecs ont érigé en demi-dieux des hommes qui ne me valaient pas.
Socrate.Il a des transports au cerveau; ce sont des redoublements d'accès. Va-t'en consulter Hippocrate; il est ici près, il guérira ta folie.