<251>Marlborough.

J'en ai usé de même avec la reine Anne et son parlement. Nos maîtres étaient de vrais automates; que fallait-il de plus que de les informer sommairement du résultat de nos opérations? Ils ne pouvaient juger ni de nos desseins, de nos projets, ni des raisons que nous avions d'entreprendre plutôt une chose qu'une autre.

Lichtenstein.

Ce n'est pas mon sentiment propre; je ne fais que vous rendre compte de la façon de penser du public, je ne suis que nouvelliste. Mais, mylord, vous vous trouvez dans la même catégorie que le prince Eugène. Si je vous rapportais comment on raisonne en Angleterre, je craindrais fort de vous indigner.

Marlborough.

Parlez hardiment. Après ce que je viens d'entendre, rien ne peut m'étonner.

Lichtenstein.

C'est en rougissant que je vous dirai que des gens qui ne savent ce que c'est qu'une compagnie, encore moins un bataillon, décident que vous n'étiez pas grand militaire, que vous deviez toute votre réputation à Cadogan,a que vous étiez politique rusé plutôt que grand général, capable de mouvoir tous les ressorts de l'intrigue dans votre parlement pour perpétuer la guerre et, sous cet abri, accumuler par des pillages les sommes considérables que vous avez amassées.

Marlborough.

Mon cas est singulier. J'ai été mortel, mais l'envie de mes ennemis m'a survécu. Oui, je me suis servi de Cadogan comme


a Le général comte William Cadogan fit la guerre de la succession d'Espagne sous le duc de Marlborough, en qualité de quartier-maître général. Il se distinguait par la promptitude avec laquelle il faisait exécuter les dispositions de son chef. Il mourut en 1726.