<252>d'un habile homme que j'ai choisi pour m'assister dans mes travaux. Quel homme peut seul suffire pour mouvoir une armée? Il faut des assistants; plus l'on est aidé, et mieux en vont les affaires. J'ai eu des amis, même un parti dans le parlement; il le fallait bien, ou la mésintelligence intestine et le défaut d'assistance nous aurait ruinés, les plus beaux projets auraient manqué d'exécution. Et si j'ai tiré quelque argent des sauvegardes, c'était du pays de l'ennemi; c'est une rétribution légitime, due à tout général commandant en chef; tout autre en ma place en aurait fait autant et peut-être davantage.

Eugène.

Quoi! Höchstädt, Ramillies, Oudenarde, Malplaquet, n'ont pu servir de bouclier au nom de ce grand homme, et la victoire même n'a pu le défendre contre les indignes traits de l'envie! Et quel rôle aurait joué l'Angleterre sans ce vrai héros, qui l'a soutenue et l'a fait valoir, et qui l'aurait portée au comble de la grandeur, sans ces misérables intrigues féminines dont la France profita pour le faire disgracier? Louis XIV était perdu, si le crédit de Marlborough s'était soutenu deux années encore.

Lichtenstein.

J'avoue que la reine Anne sans Marlborough et Charles VI sans Eugène auraient joué un triste rôle. C'est à vous deux seuls que ces deux monarchies doivent leur considération et leur gloire; les gens sensés en conviennent; mais il faut compter dans le monde mille imbéciles et cent fous contre un homme de bon sens. Ainsi vous ne devez pas vous étonner des jugements baroques que la postérité a portés sur vos personnes.

Eugène.

Il faut avouer que nous jouons de malheur. Quand il n'y a qu'une voix sur Alexandre, César, Scipion et Paul-Émile, pourquoi faut-il qu'après avoir fait de grandes choses comme eux, le public s'acharne sur notre réputation, tandis que la leur se soutient constamment, et que tout panégyriste s'efforce de leur comparer celui qu'il loue, pour l'honorer?

Lichtenstein.