<253>Leur bonheur a voulu que dans leur siècle il n'y eût point d'encyclopédiste. a

Marlborough.

Qu'est-ce qu'un encyclopédiste? Quel nom barbare! Est-ce un Iroquois? Je n'ai jamais entendu ce nom-là.

Lichtenstein.

Oh! je le crois bien; il n'en existait point de votre temps. Les encyclopédistes sont une secte de soi-disant philosophes formée de nos jours; ils se croient supérieurs à tout ce que l'antiquité a produit en ce genre. A l'effronterie des cyniques ils joignent la noble impudence de débiter tous les paradoxes qui leur tombent dans l'esprit. Ils se targuent de géométrie, et soutiennent que ceux qui n'ont pas étudié cette science ont l'esprit faux, que par conséquent ils ont seuls le don de bien raisonner. Leurs discours les plus communs sont farcis de termes scientifiques. Ils diront, par exemple, que telles lois sont sagement établies en raison inverse du carré des distances; que telle puissance, prête à former une alliance avec une autre, se sent attirer à elle par l'effet de l'attraction, et que bientôt les deux nations seront assimilées. Si on leur propose une promenade, c'est le problème d'une courbe à résoudre. S'ils ont une colique néphrétique, ils s'en guérissent par les règles de l'hydrostatique. Si une puce les a mordus, ce sont des infiniment petits du premier ordre qui les incommodent. S'ils font une chute, c'est pour avoir perdu le centre de gravité. Si quelque folliculaire a l'audace de les attaquer, ils le noient dans un déluge d'encre et d'injures; ce crime de lèse-philosophie est irrémissible.

Eugène.

Mais quel rapport ont ces fous avec notre nom, avec le jugement qu'on porte de nous?


a Voyez t. IX, p. IX, X et XV; et t. XIII, p. 87.