<280>Que je n'étais pas en état de juger de sa conduite; que tout ce que je lui disais pouvait avoir été bon de mon temps, mais qu'à présent la mode en était changée, et qu'il était résolument déterminé à suivre en tout la mode. En un mot, cher ami, mon cœur se ronge de douleur en voyant que le seul parent qui me reste ne réponde point à mes espérances. Deux fils me sont morts, hélas! dans leur enfance, et ce neveu, cet indigne neveu se perd lui-même dans la fleur de son âge. Il ne fréquente que des jeunes gens plus éventés que lui encore; on le voit sans cesse à l'Opéra, au bal, à la comédie, et jamais dans les bonnes sociétés; jamais je ne l'ai pu faire résoudre à parler avec M. Germon, mon confesseur.

VERVILLE.

Mais ce M. Germon, ne vous en déplaise, et ce M. Alain, le diacre, et ce grand M. l'abbé, qui est toujours si malpropre, sont d'une fatuité, que vous n'auriez assurément pas dû choisir leur compagnie par préférence pour donner à votre neveu du goût pour la sagesse.

BARDUS.

Mon ami, ces gens ne sont pas brillants, mais ils sont d'une sainteté surprenante, et il n'est rien de plus sûr qu'en cent ans d'ici ils feront des miracles. Mais enfin, pour en revenir à mon neveu, il s'agit de le marier, et je ne puis l'y résoudre; c'est ce qui me navre le cœur.

VERVILLE.

Avant que de le consulter là-dessus, aviez-vous fait choix d'une personne que vous lui destinez?

BARDUS.

Oui, j'avais donné entre bien des personnes la préférence à la fille de la comtesse de Tervisane, Adélaïde. Elle est bien élevée, et sa mère, qui brille par tous les actes de dévotion qu'elle a faits depuis deux ans, lui a inculqué des sentiments avec lesquels je me flatte qu'elle pourra retirer mon neveu de ses désordres. Ses mœurs sont la simplicité même; elle ne fait que sortir du couvent; jamais fard n'a sali son visage; jamais elle n'a fait de