<306>MARTIN.

Tiens, puisque tu sais tout, je veux tout t'avouer. Mais au moins ne décèle pas mon maître, car son père ne le lui pardonnerait jamais.

NÉRINE.

Je suis curieuse, mais je ne suis pas méchante; je ne me mêle pas des fredaines de ton maître. Tu sais qu'il y a deux jours que M. Bardus son père l'attend pour le fiancer à ma maîtresse. Mais si je suis indifférente sur M. Bilvesée, je ne le suis pas sur ton sujet.

MARTIN.

Distingue du moins le maître du valet. Quand mon maître a étudié la nature et tout le savoir à l'université, je n'ai pensé qu'aux moyens de te plaire; quand il a couru le grand chemin de la galanterie, mes pensées t'ont été fidèles, quand même je ne l'étais pas; et quand il vient ici se loger pendant deux jours chez l'officieuse La Roche,a je n'ai osé sortir, de crainte que son père ne me vît. Aussi ne suis-je ici qu'en tremblant; mais comme je suis en habit de voyage, et que mon maître veut rentrer aujourd'hui dans la maison paternelle, je ne risque rien.

NÉRINE.

Je t'avoue que, dans tout ce discours, je n'aime point cette madame La Roche.

MARTIN.

Ma belle enfant, il n'y a rien de tel que la galanterie. Nous autres valets passerions pour maussades, si nous n'étions pas galants; et quel honneur pour toi de dire que M. Martin t'a sacrifié une kyrielle de belles qui se désespèrent de ton triomphe!

NÉRINE.

Je ne suis pas de cet avis. Je veux, moi, de la fidélité de bon aloi; je suis la très-humble servante des conquêtes que tu me sacrifies. Monsieur Martin, monsieur Martin, tu t'es gâté à cette maudite université; je prévois que ton maître aura pris tous les


a Voyez ci-dessus, p. 72.