En vérité, madame, vous badinez, car vous ne voudriez jamais avoir un beau-fils frais émoulu du collége et ce M. Bardus toujours à vos trousses avec son grec, son latin et sa philosophie, dont il persécute toute la ville.
MADAME ARGAN.Ah! il est si savant!
NÉRINE.Dernièrement, en venant chez M. votre mari, il me rencontra sur l'escalier, et me demanda si je ne savais point quel artisan faisait les meilleurs instruments de géométrie. Je lui dis que je l'ignorais absolument. Ah! ma chère enfant, me dit-il, il n'y a point de salut hors de la philosophie; la recherche de la vérité fait notre bonheur, il faudrait que tu t'y appliquasses. Je lui fis la révérence, et lui dis que j'étais fort sa servante, et qu'il fallait aller chez mon maître; sur quoi sa conversation m'a poursuivie, en un jargon baroque, jusqu'à ce qu'il me perdit de vue.
MADAME ARGAN.Et que contait-il?
NÉRINE.Ah! ma foi, je ne sais, madame; il parlait du vide, d'horreur, et de nature. Je ne sais quelles sottises ce sont; mais ce qui est plus vrai, c'est que tous ces livres qu'il prétend écrire, c'est son gros professeur qui les compose.
MADAME ARGAN.Mais que cela fait-il? On ne peut pas tout faire seul. Il a de l'argent, et cela mettra Julie à son aise.
NÉRINE.Est-ce l'argent, madame, qui rend les mariages heureux?
MADAME ARGAN.Sans doute. Lorsqu'on me proposa d'épouser mon mari, je demandai d'abord combien de revenus il avait; et je ne l'aurais