<330>MADAME ARGAN.

Oui, je gâte le pauvre Christophe, parce que je ne veux pas qu'il meure. Je vous dirai encore que j'ai payé les dettes qu'il a été obligé de faire.

M. ARGAN.

J'ai de ses nouvelles; il est débauché, et vous le fortifiez dans tous ses vices.

MADAME ARGAN.

Mon petit mari, je vous dirai que j'ai un dessein. Je voudrais le placer en Hollande; ma sœur, qui est mariée à un bourgmestre de Rotterdam, me promet de lui obtenir une compagnie.

M. ARGAN.

Voilà ce que je ne souffrirai jamais, ma femme. Nous tenons tous à la patrie; c'est à elle que nous nous devons, et c'est elle que nous devons servir. Qui la défendrait, si nous lui refusions nos bras? Il ne nous est permis de servir ailleurs que lorsque la patrie nous renonce pour ses enfants, ou lorsqu'on refuse de nous employer.

MADAME ARGAN.

Mais ce service-ci est si sévère! il a tant d'exactitude! Et l'on dit qu'en Hollande, chacun y fait ce qu'il veut.

M. ARGAN.

De là vient que les officiers servent ici avec honneur et se comblent de gloire, et que les autres y perdent la réputation, parce qu'ils ne sont point disciplinés. Encore un coup, ma femme, je n'y consentirai jamais; un évaporé comme mon fils doit se corriger de ses fredaines dans les emplois subalternes, pour que, s'il parvient à un plus haut grade, il y porte un esprit mûr et des connaissances solides. Mais pour en revenir à Julie, vous voulez donc ....

MADAME ARGAN.

Je veux, monsieur, qu'elle épouse Bilvesée.

M. ARGAN.

Vous ne lui en avez point parlé?