<393>Je tiens dans mes débiles mains
Les destinées de toute la terre.
Oui, j'en atteste vos beaux yeux,
Qu'abusant du pouvoir suprême,
M'assujettissant tous les dieux,
Je n'épargnai pas Vénus même.

(Il part; les Plaisirs dansent un ballet court, et le suivent.)

SCÈNE II.

VÉNUS, APOLLON.

APOLLON.

Que venez-vous de faire, Vénus? Ah! pourquoi avez-vous réveillé l'Amour? Ne savez-vous pas combien de peines il nous a coûté pour nous en débarrasser? Et sans l'assistance de Morphée, nous n'en serions pas venus à bout. Cet espiègle dérangeait tout à fait notre gravité divine. Il nous faisait faire quantité de sottises. Nous faisions tant de folies, que nous commencions à devenir ridicules. Les mortels désertaient nos autels et ne nous offraient plus de victimes.

VÉNUS.

Vous avez bien lieu de vous plaindre! Si j'ai réveillé mon fils, c'est pour qu'il vous donne de nouveaux plaisirs. Vous êtes plaisant de croire que les mortels aient plus de vénération pour vous autres quand vous êtes indolents que quand vous êtes amoureux. Allez, les plaisirs de l'amour valent bien les encens des humains. On vous croit puissants, c'est pourquoi on vous adore, mais non pas pour votre sagesse, sans quoi un certain Socrate serait plus dieu que tous les habitants de l'Olympe. Allez, vous aurez toujours des passions; fous pour fous, les folies gaies valent mieux que les folies tristes.

APOLLON.

Il vous est facile à persuader d'aimer; il n'y a qu'à vous voir pour reconnaître le pouvoir de la beauté.