<40>S'il déplaît à nos yeux de nuages couverts.
Ainsi, pour modérer notre joie insensée,
Par les cieux le dégoût fut près d'elle placé;
Pour flatter nos chagrins, pour adoucir nos maux,
La constance fut mise au cœur des vrais héros.
Au temple du Bonheur elle sert de colonne,
Sa force le soutient et le perfectionne.
Ce bâtiment fragile a peu de fondements,
Il tremble et tressaillit au seul souffle des vents.
L'imagination en fut la fondatrice,
La sagesse étaya ce frivole édifice;
Mais l'homme impatient remarque avec regret
Que le temple à l'instant à ses yeux disparaît.
O toi,3 dont la vertu fit naître dans mon âme
De la tendre amitié la généreuse flamme!
Toi, qui sus attacher mon bonheur à ton sort,
Ami, sur ta douleur sache faire un effort.
Que l'âge injurieux, amenant la faiblesse,
Efface sur ton front les ris et la jeunesse,
Qu'il amortisse en toi ce feu si pétillant
Dans ton air, dans tes yeux, dans tes discours brillants;
Et qu'au lieu des plaisirs et de la gaîté pure,
Qu'à notre seule aurore accorda la nature,
Il amène avec soi le cortége infernal
De la douleur aiguë et du chagrin fatal;
Quand, fondant sur ton corps, la goutte impitoyable
Sur ton lit étendu te tourmente et t'accable,
Que tes membres enflés, affaiblis et perclus,
Relâchent leurs ressorts par les maux abattus :
Alors à ton secours appelle l'espérance,
L'oubli, la fermeté, la sage patience.
Ces fleurs naissent partout, on n'a qu'à les cueillir;
Ta volonté suffit pour les faire fleurir,
Comme au haut de ces rocs escarpés, effroyables,
Croissent pour nos besoins des simples secourables.
Que sert au voyageur fatigué du chemin
3 Césarion. [Voyez t. X, p. 24; et t. XI, p. 36, 102, 106 et 134.]