<48>En effet, la douleur d'abord lui fait la guerre;
De ce monstre odieux tel est le caractère;
Sous des noms différents il cache son venin,
Il est cruel, barbare, et toujours inhumain.
D'abord, d'un os aigu revêtant la figure,
Il perce la gencive à l'abri de l'enflure;
Tantôt, en nous couvrant de ses bourgeons hideux,
Il laissa de ses maux des souvenirs affreux.
C'est sa rage qui souffle aux feux ardents des fièvres :
Voyez ce malheureux; son âme est sur ses lèvres,
Et son sang échauffé, pressé violemment,
De canaux en canaux roule rapidement.
Et toi, fille d'enfer, implacable migraine,
Quel démon t'engendra dans les flancs de la haine?
C'est ta douleur horrible et ton affreux poison
Qui, vainqueurs de nos sens, troublent notre raison.
Et toi, goutte chronique, et toi, triste gravelle,
Et toi, le mal du Roi, d'invention nouvelle,a
Vous, qui le disputez à tous les autres maux,
Inflexibles tyrans, ou du moins leurs égaux,
Hélas! que le plaisir en vos tourments s'expie!
Que les jours passagers d'une si courte vie
D'ennemis conjurés, ligués et dangereux
Sentent de noirs complots se préparer contre eux!
De notre faible corps les maux et la misère
Nous obligeant enfin d'abandonner la terre,
Alors, de tous ces maux le mal le plus fâcheux,
C'est le médecin même, aussi barbare qu'eux.
C'est lui qui sait en grec nommer la maladie,
A hâter le trépas son métier s'étudie;
Si chez quelque malade on croit à son savoir,
On l'appelle, et sa vue écarte tout espoir.


a Dans les derniers jours de décembre 1686, Louis XIV subit l'opération de la fistule à l'anus, mal qui porta assez longtemps le nom de mal du Roi ou maladie du Roi. On frappa à cette occasion trois médailles avec les inscriptions suivantes : la Maladie du Roi, la Guérison du Roi, Festin fait au Roi dans l'Hôtel de ville.