<58>Viens promptement, pour mon bonheur,
Revoir cette rive fleurie,
Ta vraie et ta seule patrie,
Où, sans toi, de la belle humeur
La source à jamais est tarie.
Le fer attiré par l'aimant
Sent une impulsion moins vive
Que le désir impatient
D'une amitié tendre et craintive.
Mille maux menacent tes jours;
La goutte lente et douloureuse
D'une main homicide creuse
Ta tombe, accélérant leur cours.
Hélas! faudrait-il que la vie
Entre mes bras te soit ravie?
Devrais-tu subir le trépas?
Non, ce n'est qu'aux âmes communes
A croupir dans les infortunes;
Le ciel doit veiller sur tes pas.
Que du destin l'ordre barbare
Nous envoie au sombre Tartare,
Le sort en est ainsi jeté.
Si des lois la rigueur extrême
Respectait la vertu suprême,
Si Caron connaît l'équité,
Tes jours chéris, tes jours que j'aime,
De l'infinie éternité
Goûteraient la sérénité.
Mais non, ta course est mesurée,
Des moments prompts et passagers
Font le tissu de sa durée;
Un instant peut les abréger.
Jouis du temps que tu possède :
Le jour, hélas! qui lui succède
Te laisse un espoir peu certain.
Qui sait si l'aube du matin,
Qui sait si la brillante aurore,