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XVI. ÉPITRE SUR L'USAGE DE LA FORTUNE.

Tout mortel dans son cœur avec ardeur désire
Un emploi, des trésors, des grandeurs, un empire;
Hardi dans ses desseins, téméraire en ses vœux,
Des fanges de la terre il prend son vol aux cieux.
Mais quelle est la raison que son esprit sordide
Engloutit en secret, d'un appétit avide,
D'un aveugle destin les fragiles bienfaits?
De cent évaporés reconnaissez les traits.
Ce marquis, possesseur d'un puissant héritage
Que son père amassa par un long brigandage,
Appelle à son secours la dissipation,
Que suivent le caprice et la confusion.
Son or ne suffit plus au nombreux équipage
Dont ce prodigue fou traîne après soi la rage,
Et, rempli de lui seul dans un centre de riens,
Ne voit ni la raison, ni ses concitoyens,
Semblable en sa fadeur à ces rameaux stériles
Qui, des arbres fruitiers tirant les sucs utiles,
Pour leur feuillage épais uniquement portés,
Voient les tendres fruits sécher à leurs côtés.