<86>Quelque brillant que soit le feu de la jeunesse,
Songe dès à présent au poids de la vieillesse,
A l'âge à pas tardifs, qui marque sur nos fronts,
De son doigt destructeur, nos nombreuses saisons,
Et qui glace à la fois et les ris, et les grâces,
Compagnons du bel âge, esclaves de tes traces,
Au temps qui ralentit notre vivacité,
Qui, fanant les plaisirs, flétrit la volupté.
A ces charmes perdus apporte un prompt remède;
Prépare en ce moment l'instant qui lui succède.
Sur le mont d'Apollon courtise les neuf Sœurs,
Dans sa première aurore on gagne leurs faveurs;
Des hommages nouveaux, ce sont là leurs trophées,
Elles tiennent en main la baguette des fées.
Quand ton brillant été sera prêt à finir,
Leur baguette, à l'instant, pourra te rajeunir,
Te fournissant les fruits du raisonnement sage,
Au lieu des vaines fleurs d'une fougue volage.
Cette maturité fait le charme des ans,
Elle donne aux hivers les grâces du printemps;
Elle nourrit encor cette vive étincelle
Dans le corps amorti du brillant Fontenelle.
Quel que soit notre état, quels que soient nos destins,
La science à coup sûr l'embellit de ses mains;
La fortune en devient plus belle et plus brillante,
L'adversité n'en est que moins humiliante.a
Lorsque sous Marc-Aurèle on vit le monde heureux
D'un règne fortuné remercier les dieux,
La science régnait, elle ennoblit le trône,
Sur son auguste front reposait la couronne.
Quand le perfide Octave12 eut, par proscription,
Dévoué lâchement et trahi Cicéron,
Ce généreux Romain dans la philosophie
Trouva tous les secours pour mépriser la vie.
Dans les États heureux, féconds et opulents,


12 L'empereur Auguste.

a Cicéron, pro Archia poeta, chap. VII. Voyez t. IX, p. 205.