<112>bénissait ses ennemis, il implorait la miséricorde divine pour ceux qui le blâmaient et le persécutaient, il trouvait une consolation à n'être pas mieux traité que le juste blasphémé par les Juifs profanes, à porter la croix de ce divin Sauveur, qui, par un supplice infâme, avait racheté son âme de la perdition éternelle; c'était le moyen de profiter de ses souffrances, et de s'ériger aux dépens de ses ennemis, qui croyaient l'abattre, un trophée céleste que la méchanceté des hommes ne peut ruiner ni détruire. Il ne rendit jamais le mal pour le mal; il ne connaissait pas le perfide plaisir que des âmes corrompues trouvent dans la vengeance, le plaisir funeste de payer les médisances et les insultes par des satires encore plus cruelles, qui déchirent ou assassinent la réputation du prochain; sa simplicité était si grande, qu'il recevait les avis avec reconnaissance, les leçons avec soumission, les reproches avec tranquillité, et les outrages en les pardonnant. Quel exemple de modération pour vous, grands de la terre! et quelle leçon vous fait un pauvre, mais pieux artisan! Un homme, peut-être l'objet de votre orgueilleux mépris, et dont vous croyez que le nom salirait votre mémoire, s'il y restait gravé, vous enseigne que l'on peut vivre en bonne harmonie avec ses plus proches voisins; sa jurisprudence, si différente de la vôtre, vous montre qu'il y a des voies pour éviter les querelles, pour éluder les disputes, et pour conserver la paix et le repos; qu'il y a une certaine magnanimité d'âme, bien supérieure aux emportements de la vengeance, qui porte la miséricorde jusqu'à pardonner les injures et les outrages : au lieu que, chez vous, les moindres démêlés s'enveniment, de petites querelles produisent des guerres sanglantes; votre vanité, plus cruelle que la barbarie des tyrans, sacrifie des milliers de citoyens à la fausse gloire, et pour un mot que l'ambition et la haine interprètent, des provinces entières sont saccagées et ruinées; vos fureurs livrent la terre à la rapacité des bêtes féroces déchaînées pour l'envahir; tous les fléaux, toutes les calamités désolent le monde à leur suite, et tant de malheurs déplorables ne proviennent que de vos inimitiés funestes. Que Matthieu Reinhart était sage! L'on devraita graver en lettres
a Que Matthieu Reinhart était sage, et que l'on devrait, etc. Variante de l'exemplaire de la Bibliothèque royale, p. 21.