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XVIII. LETTRE D'UN SUISSE A UN NOBLE VÉNITIEN.

A Genève, 1760.

Monsieur, vous voulez savoir de moi des nouvelles de ce qui se passe en Allemagne; vous vous adressez mal. Je me soucie peu, dans la retraite où je vis, de l'illustre brigandage de nos héros modernes; je ne fréquente que les anciens, et je borne ma curiosité aux nouvelles de ma maison, de mon foyer et de mon jardin. Vous me demandez ensuite si je crois que cette conjuration de tant de monarques pour en opprimer un seul est conforme aux lois de l'équité naturelle. Voilà une question de droit à laquelle il est facile de répondre, d'autant plus que ma retraite me met à l'abri des vengeances impitoyables qu'exercent ces sous-tyrans qui gouvernent ou bouleversent plutôt notre pauvre Europe. De grâce, souvenez-vous que je vis dans un État libre, que j'en ai pris les habitudes et les coutumes depuis longtemps, que je ne saurais m'abaisser à déguiser mes pensées et à vous parler ce jargon des cours où les plus sincères ne laissent qu'entrevoir et deviner une faible partie de leurs sentiments. Je vous réponds avec la liberté d'un philosophe qui, ne tenant à rien dans le monde, vit exempt de crainte et d'espérance.

Si l'on convient que Cartouche et ceux de sa bande ont été mis à mort innocemment, l'on pourrait excuser de même l'action