<141>et sanglants événements me servent de spectacle. L'Europe n'est à mon égard qu'une lanterne magique; je n'y ai d'intérêt que celui de l'humanité. Je souhaiterais qu'on mît fin à ces meurtres, à ces carnages et à ces abominations qui font frémir la nature, et qu'on pensât que notre pauvre espèce, assiégée par la mort de tant de manières, n'a pas besoin de la méchanceté de quelques politiques atrabilaires pour accélérer sa destruction. Je voudrais enfin que les maîtres du monde fussent raisonnables, et tous les hommes heureux. Voilà des visions, direz-vous, de la république de Platon; ou peut-être penserez-vous de moi ce que l'on disait de défunt l'abbé de Saint-Pierre, qu'il rêvait en honnête homme.a Je vous en suis bien obligé, et je préfère de rêver en honnête homme à me rendre coupable des actions d'un scélérat. N'en voilà que trop. Je sens que je prends les défauts de mon âge; vous m'avez mis en train de raisonner, et je n'ai que trop bavardé. J'espère que vous me le pardonnerez en faveur de l'estime avec laquelle je suis, etc.
a Le cardinal du Bois disait que les ouvrages de l'abbé de Saint-Pierre, qui sont, pour la plupart, des projets de paix générale et perpétuelle, étaient « les rêves d'un homme de bien. » Voyez t. IX, p. 36 et 165; t. XIV, p. 292 et 323; et ci-dessus, p. 71.