<170>Ce fut donc par le moyen de son magicien que le roi de Prusse, profitant de sa victoire, empêcha le maréchal Daun de faire le siége de Schweidnitz, et le recogna dans les montagnes. Ce général y était fort mal à son aise, lorsque l'irruption des Russes dans le Brandebourg, et le corps des Autrichiens, commandé par le général Lacy, qui vint joindre ces mêmes Russes, obligèrent le Roi à voler au secours de ses États électoraux, et dégagèrent le maréchal Daun.

Le roi de Prusse se trouva dans de nouvelles difficultés presque insurmontables : il fallait qu'il fît plus de quatre-vingts lieues avec une célérité étonnante. Comment faire cette marche, suivi par le maréchal Daun, qui pouvait le harceler pendant toute sa route avec une armée bien plus considérable que la sienne et l'arrêter à chaque instant? Le diable eut encore part à cette marche si vantée par les Prussiens et par leurs partisans. Belzébuth, évoqué de nouveau, vint au secours du Roi, et pour le tirer d'affaire, il fit sortir des enfers plusieurs légions de diablotins munis chacun d'un soufflet; ils se mirent au derrière des soldats, et les conduisirent avec la vitesse que marchent des bateaux qui ont le vent en poupe. Cela nous a été découvert par plusieurs déserteurs catholiques, apostoliques, romains, qui, ayant été soufflés trop fortement, et en ayant pris la colique, ont bien reconnu que la célérité de leur marche était une œuvre diabolique.

La nouvelle de l'approche du roi de Prusse obligea les Russes et les Autrichiens à quitter le Brandebourg. Ce prince, apprenant en chemin la retraite de ses ennemis, entra en Saxe. A peine y fut-il, que l'armée de l'Empire et le corps des Würtembergeois furent obligés de se retirer. Il leur était impossible de pouvoir soutenir l'odeur de soufre qu'exhalaient les troupes prussiennes; la communication qu'ils avaient eue en chemin avec les diables qui les avaient conduits leur donnait quelque chose de si infernal dans la physionomie, que deux armées qui avaient été sept mois à conquérir la Saxe en furent chassées dans moins de cinq jours par une poignée de hussards hérétiques dans les corps desquels s'étaient sans doute incarnés des démons avec lesquels il n'aurait pas convenu que les saintes troupes des évêques de Mayence, de Trèves, de Cologne, de Bamberg, eussent rien eu à démêler :