<19>besogne, et pour que la même chose ne lui arrivât plus, il se confina dans un repos inaltérable. Les christicoles ont fait de leur Dieu le patron des fainéants; les solitaires qui passent leur vie dans une inaction perpétuelle sont, selon eux, les enfants de sa dilection et ses élus chéris. La vraie dévotion ne fructifie que lorsqu'elle est entée sur des âmes paresseuses; croire sans examiner, se laisser conduire par des prêtres pour s'épargner la peine de se guider soi-même, prier sans savoir ce qu'on dit, s'extasier ou rêver à la lune, ne rien faire, sont les attributs d'une sainteté parfaite. Heureuse fainéantise, par laquelle les fidèles franchissent sans effort les portes du salut! Il faut remarquer que non seulement les religions prêchent la paresse, mais que des sectes entières de philosophes ont été de la même opinion. Épicure, cette lumière de la Grèce profane, faisait consister le souverain bien dans l'inaction; il conseillait au sage de ne point se mêler du maniement de la république, et pour que ses dieux jouissent d'un bonheur inaltérable, il leur attribuait une impassibilité parfaite, félicité pure où, dans une douce tranquillité, ils abandonnaient le monde à la providence de la nature, sans que les passions les émussent, sans que des soins inquiets les troublassent; ils jouissaient du présent, et ne s'embarrassaient point de l'avenir. Puissante et profonde leçon, qui découvre ces grandes vérités aux hommes, que, la plupart des actions étant mauvaises, il vaut mieux n'en point faire du tout! Et puisque, par une fatalité inévitable, tout mortel est destiné au trépas, la sagesse veut qu'on s'y achemine le plus doucement que possible, sans fatiguer inutilement son corps et son esprit à poursuivre des possessions ou des honneurs auxquels tôt ou tard il faut renoncer.
Heureuse et sage paresse, qui concilies les opinions des dévots et des philosophes, que tes dispositions sont saintes pour le salut, que tes influences sont bénignes pour adoucir les amertumes de la vie! Tu nous apprends à préférer la ouate molle et le duvet de nos couches aux fatigues et aux travaux de ces forcenés amants de la gloire; tu nous écartes de la vie tumultueuse des ambitieux et de l'inquiétude que des projets frivoles causent aux politiques; tu sauves à nos oreilles délicates les cris que la voix rauque de la