III. FACÉTIE A M. DE VOLTAIRE. RÊVE.
Et j'avais lu Platon, et je n'y comprenais rien, et je lus un géomètre pour m'amuser, et je tombai dans un profond sommeil, et un génie m'apparut, et il me dit : Exalte ton âme. Et je lui dis : En ai-je une? Et il me répondit : Fais comme si tu en avais une. Et je m'exaltai, et il me parut voir des choses qu'aucun œil n'avait vues, qu'aucune oreille n'avait entendues, et qu'aucun esprit n'avait jamais imaginées.
Revenu de mon extase, j'aperçus une grande ville; elle était peuplée, je crois, de ces hommes nés des dents que Cadmus avait semées, car ils se persécutaient tous. Et je demandai le nom de la ville, et l'on me dit que son nom de baptême était Sion, et son nom de guerre l'infâme.a
Elle était construite de matériaux qui ne ressemblent en rien à ceux dont nous fabriquons nos villes; et je demandai au génie : Qu'est-ce que cela? Et le farfadet répondit : Les fondements sont faits de rêves creux, le mastic est composé de miracles, ces lourdes pierres sont tirées des carrières du purgatoire, ces autres plus resplendissantes viennent des indulgences. Pour moi, qui ne comprenais rien à ce jargon, j'examinai la structure de la ville.
a Voyez t. XII. p. 128; t. XIII, p. 124 et 196; et t. XIV, p. 83.