<24>Cependant, dis-je, ces gens manœuvrent bien du bélier; s'ils étaient secondés, c'en serait fait de l'infâme. Toutefois la muraille résista; les habitants et le despote se jouaient de cette guerre. Le peuple tonsuré criait, la garde prétorienne aiguisait ses couteaux, et les combattants disparurent. Alors une nouvelle scène s'ouvrit; un guerrier tout éclatant de lumière, aux armes étincelantes, parut sur l'horizon; le monde accourait à sa voix, ceux de la ville désertaient pour le joindre, et bientôt il eut une armée. Qu'est-ce-ci? dis-je; quel homme merveilleux se présente à ma vue? - C'est un esprit céleste comme moi, reprit le génie; plus grand guerrier qu'Alexandre, César, Gengis et Mahomet, il les surpassera tous par ses conquêtes, car on prend plutôt la Perse, le Mogol et l'empire romain que l'infâme. Pour l'assiéger, il a refondu la monnaie de ceux qui l'ont précédé, en y mêlant l'alliage de la bonne plaisanterie assaisonnée du sel de l'épigramme; et il assemble beaucoup de troupes, parce que tout le monde aime à rire, et que bien peu savent raisonner. Et l'armée s'approcha de la ville, et je vis une grande machine traînée par les encyclopédistes, qui s'approchait de la muraille, et je voulus savoir ce que c'était, et le génie officieux me l'expliqua. Elle se nomme l'hélépole,a dit-il. - Ah! je la connais, repartis-je; on en parle dans l'histoire du Bas-Empire, on s'en servit au siége de Séleucie. - C'est cela, repartit le génie. Et je la vis mouvoir, elle battit le mur d'une force prodigieuse, et une partie s'en écroula, et la guerre n'était point sanglante, et tout le monde riait, et je riais aussi. Tout à coup (quel spectacle! les cheveux se dressent encore sur ma tête quand j'y pense), deux monstres s'élèvent de l'infâme, prennent leur essor, et planent sur la ville, en y répandant l'obscurité, l'un mâle, l'autre femelle. Ils avaient de grandes ailes, comme les chauves-souris, le corps hideux, les yeux rouges et étincelants. La fureur et la rage étaient empreintes sur leur front; l'un secouait des flambeaux ardents, l'autre avait la ceinture et les mains armées de poignards. Ils criaient d'une voix horrible : C'en est fait, nous partons, voici ton dernier
a C'est le nom de la machine inventée par Démétrius Poliorcète pour abattre les murs. Voyez Plutarque, Vie de Démétrius, et Diodore de Sicile, livre XX.